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Édito du mois de décembre 2024

Depuis 1979, le Conseil permanent des écrivains (CPE) est l’interlocuteur incontournable des pouvoirs publics et de l’interprofession pour défendre les intérêts des auteurs de l’écrit. Aujourd’hui fort de 15 organisations, dont les E.A.T (Vincent Dheygre en est le président), il travaille sur plusieurs gros projets visant à améliorer la condition des auteurs. Tout d’abord, un projet de loi mené par la sénatrice Laure Darcos, qui donnera lieu au premier débat parlementaire depuis 1957 sur le contrat d’édition. Nous veillerons à ce que ce texte qui doit entériner le long travail de négociations interprofessionnel 2021-2023 mené par le CPE avec le Syndicat national de l’édition (SNE) permette la concrétisation de plusieurs avancées contractuelles pour les auteurs.
Le CPE travaille également avec le SNE et les libraires à un nouvel outil d’information : Filéas, une plateforme gratuite qui permettra dès 2025 à tous les auteurs qui le souhaitent de suivre régulièrement les ventes de leurs ouvrages en « sorties de caisse », donc ventes réelles, et non selon les « flux » entre distribution et librairie indiqués dans les redditions de comptes. C’est là un outil réclamé par le CPE depuis plusieurs années, et dont nous nous réjouissons de la naissance.
Autre dossier moins réjouissant : celui du livre d’occasion. La première étude Sofia/MCC sur le sujet a montré comment le nouveau marché de l’occasion, – fait de grandes plateformes en ligne bien éloignées des petits bouquinistes de quartier –, vient cannibaliser le marché du neuf et nuire à la rémunération des auteurs ainsi qu’à celle des éditeurs, fragilisant ainsi tout l’équilibre économique actuel. Le sujet est complexe, tant sur le plan juridique que politique. Mais le CPE veillera, en bonne intelligence avec les autres acteurs de l’interprofession, à préserver au mieux les intérêts des auteurs et leur rémunération.
Patience, endurance, enthousiasme et sens du collectif ! Ces maîtres mots du monde du spectacle vivant sont aussi ceux du CPE !

Séverine Weiss, présidente du Conseil Permanent des Écrivains

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Édito du mois de novembre 2024

Faites entrer l’infini 1  !

Il n’y a peut-être pas de lien entre les 100 ans du surréalisme célébrés au Centre Georges Pompidou 2 et le thème du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse ou alors un hasard objectif tel que le vivaient les surréalistes, c’est-à-dire des instants où la nécessité extérieure se fraye un chemin dans l’inconscient.

Rêve général, tel est le titre magnifique de ce salon, qui ne se propose pas sous le régime de l’idéalisme naïf ou de l’aveuglement d’élargir le rêve, mais plutôt comme dans Le Manifeste du surréalisme de André Breton paru en 1924, de lancer une injonction à lire, à écrire, à vivre ses rêves dans la réalité et même à ne pas séparer le rêve de la réalité, mais à conquérir une surréalité.

Si le théâtre surréaliste a laissé quelques grands souvenirs, il n’a pas renversé comme le souhaitait Guillaume Apollinaire dans Les Mamelles de Tirésias en 1917, toute la vieille dramaturgie, même s’il a proposé des récits enchâssés, des cadavres exquis et des textes dialogués produits lors de séances d’écriture automatique ou de sommeils. Pensons à Raymond Roussel, Georges Ribemont-Dessaignes, Robert Desnos, Philippe Soupault et André Breton lui-même, Leonora Carrington. Il a fallu attendre Bob Wilson et son spectacle Le Regard du sourd en 1971, pour que les surréalistes affirment que cette œuvre était dans la généalogie de ce qu’ils avaient vainement cherché, un théâtre des songes et d’images oniriques 3.

Cependant, comme l’écrit Marie Bernanoce, le théâtre jeunesse contemporain est peut-être le lieu où s’expriment au travers de la dictée de l’inconscient, le collage des images, les créatures hybrides, l’audace des formes animées et inanimées, ce point de l’esprit où le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Quant aux dramaturges jeunesse, certains empruntent au merveilleux dont André Breton disait qu’il n’y a que lui qui soit beau et en inventent de nouveaux jusqu’au merveilleux quantique. Exploration des possibles, de terres imaginaires, d’audaces stellaires, de mers connues et inconnues aux onomastiques troublantes, chevauchées sur des cavales noires dans les plis de la nuit, métamorphoses, univers plissés, quêtes du oui et du non et de l’éblouissement vécu comme l’ensemble de nos relations à la lumière, irriguent le répertoire théâtral jeunesse. Les personnages de ce théâtre expriment l’ordre caché des choses, qu’ils voient mieux que nos yeux fatigués et repus.

Une fois pour toutes, cessons d’assassiner les constellations et croyons aux images du sommeil !

Dominique Paquet, Déléguée générale des Écrivaines et Écrivains associés du Théâtre

1 Aragon L., Une vague de rêves, 1924.
2 Exposition du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025.
3 Archives personnelles : Entretien avec José Pierre (1927-1999).

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Communiqué E.A.T

Le conseil d’administration des E.A.T s’est réuni en conseil extraordinaire le 15 octobre 2024, à la suite de la présentation, par ARTCENA, des nouvelles modalités d’accès à l’aide à la création de textes dramatiques.
Dans une newsletter datée du 10 octobre, ARTCENA annonce que chaque dossier de demande d’aide à la création doit désormais être accompagné d’une lettre de recommandation, signée par un professionnel du secteur, répertorié dans une liste déterminée.
Les E.A.T sont mentionnés, au titre de comité de lecture (CDL), sans avoir été, au préalable, ni consultés ni informés. La lettre, indispensable au dépôt du dossier, doit attester que le texte déposé contribue au renouvellement et/ou à l’innovation des écritures contemporaines.
À la suite de nombreuses réactions spontanées, ARTCENA, le 11 octobre, renvoie une newsletter et concède que cette lettre de recommandation pourrait être facultative.
Les E.A.T, en tant que seule organisation professionnelle représentant les auteurs et les autrices dramatiques au niveau national, reconnaît la grande utilité de l’aide à la création d’ARTCENA qui a permis l’émergence d’auteurs et d’autrices éloignés des réseaux du spectacle vivant comme la confirmation d’auteurs et d’autrices déjà engagés sur un chemin professionnel. En revanche, aux côtés de nombreux auteurs et autrices, CDL, compagnies conventionnées, structures labellisées… cités dans la liste référente, il lui semble que cette nouvelle modalité, même facultative, ne saurait aller dans le sens d’une nécessaire vitalité de l’écriture dramatique.
Le CA des E.A.T, réuni en conseil extraordinaire, se prononce donc résolument contre le principe d’une lettre de recommandation, même facultative, comme nouvelle modalité pour accéder à l’aide à la création d’ARTCENA et demande le retrait pur et simple de cette modalité. 
Il prend acte de la volonté d’ARTCENA d’ouvrir le dialogue pour trouver des solutions à la trop forte augmentation d’envois de textes inachevés, qui a justifié cette nouvelle modalité et propose son aide dans cette recherche de solutions.
Ensemble, restons ouverts à toutes formes d’écritures dramatiques, la création artistique, la liberté de l’artiste et, par-là, la liberté d’expression, ne doivent en aucun cas être cautionnées par une lettre de recommandation.

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Édito du mois d’octobre 2024

Très certainement, il pourrait y avoir un panorama plutôt sombre à dresser.
Le paysage politique trop brun, la baisse des diffusions de spectacles et donc déjà ou bientôt la baisse des revenus d’auteurices, la perspective d’un meilleur statut pour les artistes-auteurs qui s’éloigne, l’inflation qui impacte les coûts de production des livres, le changement du mode de répartition de la copie privée numérique par la Sofia qui entraîne une perte de revenus brutale…
Depuis plusieurs mois, au cœur de la maison des éditions Théâtrales, nous nous demandons comment nous pouvons, dans cette tempête générale, imaginer une entraide possible et concrète entre auteurices et éditeurices.
Comment agir autrement que dans l’élan du sauve-qui-peut et du chacun-sa-peau ?
Depuis 2015, sous l’impulsion de Pierre Banos, Gaëlle Mandrillon et Jean-Pierre Engelbach, notre maison est devenue une société coopérative d’intérêt collectif. L’horizontalité, l’échange, la solidarité infusent déjà notre fonctionnement marqué par l’entrée des auteurices dans le sociétariat.
Depuis juin 2024 et le départ de Jean-Pierre Engelbach qui était gérant de la maison après en avoir été et le fondateur et le directeur, nous poursuivons la transformation. Trois auteurices ont pris la cogérance des éditions Théâtrales pour soutenir et accompagner la formidable équipe éditoriale, artistique et commerciale de la maison.
Nous sommes convaincus que les membres de l’écosystème théâtral – auteurices, éditeurices, artistes, lieux culturels, publics – ont intérêt à travailler ensemble, que la coopération peut être un vecteur d’émancipation et qu’elle peut devenir la source et la garante d’une diversité et d’une pluralité de voix, d’écritures, de langages. Pluralité dont nous aurons plus que besoin dans les temps qui s’annoncent.

Sylvain Levey, Lola Molina et Clémence Weill
Cogérants des éditions Théâtrales

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Édito du mois de septembre 2024

22 Août, en région parisienne  : une odeur de feuilles mouillées flotte dans l’air qui s’est rafraichi. Ce n’est plus tout à fait l’été mais pas encore l’automne. Ce n’est plus tout à fait les vacances mais pas encore la rentrée. Et cette émotion mi-figue, mi-raisin, m’incite à écrire cet édito sur un mode plus personnel qu’à l’habitude.
J’ai encore en tête les belles images du mois de juillet à Avignon. Ce sont celles d’une association dynamique, profondément humaine, diverse, variée, talentueuse, souriante, émouvante, reconnue comme une interlocutrice importante -sinon majeure- par tous ses partenaires et par tous ses membres : un petit état de grâce, une douce trêve estivale hors du temps, sinon de l’espace.
Je remercie chaleureusement toutes et tous, partenaires, membres du bureau et du conseil d’administration, adhérentes et adhérents, salariées et stagiaire, et nos chères délégations pour avoir contribué de près ou de loin à ce sentiment d’accomplissement dans l’exercice de notre art, le théâtre.
Parmi tous les spectacles que j’ai vus, celui qui m’a le plus ému, le plus bougé, est sans conteste Les Voiles écarlates de Stéphane Titelein, compagnie Franche Connexion. Son argument est magnifique : « Et si je pouvais offrir à mon père la victoire de son engagement ? »  ou comment convaincre son père mourant que le PCF a enfin remporté les élections…
Dans le grenier d’une maison familiale, un fils fait le bilan de la vie militante de son père, et se lance dans le récit des luttes passées, des souvenirs vaporeux de l’enfance, de la colère immense et fière de l’ouvrier. Un vent d’espoir se lève, gonfle les voiles écarlates du rêve, et bâtit un rempart non pas contre la mort mais contre le fatalisme.
Le théâtre est un art éminemment politique, opposant par nature du pouvoir en place : il interroge sans concession la réalité du monde et prend acte des noirceurs et lumières de l’âme humaine, tout en offrant l’espoir d’un « meilleur », en rassemblant acteurs et spectateurs.
En cette fin de mois d’août, dans une curieuse nostalgie de l’enfance (et même, soyons fous, de ses devoirs de vacances), je suis fier, honoré, heureux, de présider aux luttes des E.A.T pour la sixième saison consécutive, et je nous souhaite de l’encre dans nos stylos, des feuilles blanches et écarlates sur nos bureaux, de la force dans nos bras, de l’air dans nos poumons afin de transformer nos colères et indignations en textes et actions fécondes, sans pour autant oublier de rêver, ni de nous rassembler.

Vincent Dheygre, président des E.A.T

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Communiqué E.A.T : Au bord de l’abime : second tour des élections législatives 2024

Autrices, Auteurs ,

Ce week-end, les urnes ont parlé. Et le message qu’elles ont délivré est d’une simplicité redoutable : seul le RN est encore en mesure d’accéder à la majorité absolue à l’assemblée au second tour. Ce n’est plus (ou pas encore) le moment de rechercher les causes et responsabilités de cette montée ininterrompue du nationalisme depuis 1983, date de son premier « succès » électoral à Dreux. 

Il n’est pas dans l’ADN des Ecrivaines et écrivains Associés du Théâtre de donner des consignes de vote, par égard et par respect de l’intime conviction du citoyen démocrate dans l’espace sacré de l’isoloir. La maison commune des auteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel, la SACD, n’en donne pas non plus mais a fort utilement exposé les programmes culturels de chacun des partis en lice.

Et si j’évoque la SACD, c’est que la défense et la mise en œuvre du Droit d’auteur qui constitue son socle fondateur est issu de la République, et que cette République -terriblement imparfaite, utopique, ballotée par l’Histoire, harcelée par des mauvais génies de l’intérieur et de l’extérieur- nous a beaucoup donné, à nous, autrices et auteurs.

Je pourrais me cantonner strictement aux secteurs d’activité de nos professions pour dénoncer le programme du RN : privatisation de l’audiovisuel public, suppression de l’intermittence, assèchement de l’aide de l’état aux artistes-auteurs et aux organisations qui les représentent, et le cortège des non-dits qui en découle :  limitation de la liberté de création et d’expression, muselage de la presse, disparition des échanges à l’international entrainant de facto un appauvrissement catastrophique de la culture et de la pensée, impossibilité de poursuivre nos missions, dont celles d’émanciper par l’éducation populaire, d’alerter sur les dérives contemporaines, sur les excès furieux du monde et sur les dérèglements humains qui conduisent à la ruine, à la misère, à la destruction et à la guerre. Alerter, construire, transmettre comme Aristophane, Molière, Duras, Brecht, comme tant d’autres avant nous.

Mais je suis et nous sommes des autrices et des auteurs de théâtre, au cœur de cet art qui lui-même est le cœur battant de la Cité. Nous sommes autrices et auteurs de théâtre et comme tels, l’humain est au  centre de nos préoccupations. Nous sommes autrices et auteurs de théâtre et aussi des actrices et des acteurs dans la marche du monde. Nous avons besoin de l’altérité, de la diversité, de l’ouverture au monde et à l’autre, non pas seulement comme sujets de nos œuvres mais comme les fluides vitaux qui irriguent notre corps tout entier.

Or, la haine, hideuse et suicidaire, gonfle et gonfle encore, s’infiltre dans toutes les strates de la société française, crée des communautés de façade, embrigade la raison, détruit peu à peu ce qui nous unissait ainsi que les valeurs transmises par Condorcet, Olympe de Gouges, Beaumarchais, Hugo et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédés.

Le RN, qui porte le vocable de la haine jusque dans son acronyme prononcé à haute voix, est aux portes du pouvoir. Il ne faut pas gratter beaucoup pour que le vernis craque et qu’en-dessous on retrouve cette haine, vieille, rance, maintes et maintes fois recuite, de l’étranger : la haine de l’autre, accompagnée de ses acolytes le racisme, le sexisme, l’antisémitisme, la discrimination, pour faire la peau de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité.

C’est le RN qui veut nous tenir barricadés derrière nos frontières et derrière les murs de nos maisons, assignés à résidence par sa conception carcérale et ô combien restrictive d’une identité nationale fantasmée.

C’est le RN qui préempte tous les sujets porteurs d’avenir afin de les asservir à son projet nihiliste. Ce sont ces sujets sur lesquels nous devons trancher afin de donner une chance aux générations futures de poursuivre le travail accompli et de continuer à tenter de soigner les plaies de la France et du monde.

Mieux répartir les  richesses, assurer l’égalité des chances, lutter contre les discriminations, soutenir l’éducation, la recherche, la santé, la culture, la laïcité, maintenir la paix en France et l’assurer sur notre continent, assumer en responsabilité notre place en Europe et dans le monde, lutter contre le réchauffement climatique : la tâche est immense, les obstacles innombrables sur cette voie qu’il nous faut garder ouverte le 7 juillet.

Aussi, afin de parer à l’urgence, afin d’avoir encore la possibilité de penser le monde de demain, afin de continuer à construire notre communauté de destin, et pour « empêcher que le monde se défasse » comme le disait Camus, nous devons, nous, autrices et auteurs de théâtre, faire en sorte que pas une de nos voix ne manque pour faire barrage au Rassemblement National, afin de pouvoir continuer de porter et de défendre les valeurs républicaines partout où elles sont menacées.

Vincent Dheygre, président des E.A.T

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Édito du mois de juillet

Pourquoi aller à Avignon ?

Évidemment la réponse n’est sans doute pas la même pour le IN et pour le OFF mais force est de constater que dans le IN, on se passe souvent de nous, les auteur.rices vivant.es. On adapte, on improvise, on monte un spectacle « d’après » l’œuvre de quelqu’un, rarement vivant d’ailleurs. Comme dirait les Rita Mitsouko « c’est comme ça ».
Cela étant dit, cette année ce qui lie le IN et le OFF c’est que même les Scènes nationales souffrent de réductions de budgets. Personne n’est en reste. Mais là où certaines compagnies risquent tout bonnement de disparaître et les théâtres de fermer, les spectacles des scènes nationales seront peut-être juste un peu moins fastes mais ils seront toujours là. (Enfin espérons-le…)
Non, pour nous les auteur.rices vivant.es, c’est surtout dans le OFF que cela se passe. C’est là que nous sommes en nombre, que nos spectacles sont montés et que nous nous retrouvons d’année en année comme pour faire le point et nous donner des nouvelles. Des spectacles, il y en a pour tous les goûts, pour tous les âges et c’est tant mieux. Alors venir là, dans ce vivier de création, c’est découvrir ce que les autres proposent, échanger, dire comment chacun fait, ce qu’il invente dans ce monde sans cesse en mutation et qui pourtant paraît si statique. C’est dialoguer pour faire bouger les lignes. C’est chercher d’autres façons de continuer pour ne pas se résigner à se voir confisquer les scènes, pour maintenir l’exigence de notre rôle de trublion de la société, ou l’impérieuse nécessité du regard aigu et empathique que nous portons sur le monde. C’est se serrer les coudes et dire que nous ne céderons pas sur notre désir de continuer à écrire car, et nous le savons tous, l’impuissance, à laquelle nous sommes parfois assignés, est délétère.

Jean-Benoît Patricot

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Édito du mois de juin

Depuis toujours je travaille sur le cri
Du cri primal au dernier souffle
Le cri écrit
Le cri la vie
Au théâtre la confidence
le silence même
sont des cris
Le cri parce qu’il saisit
Non pas partant de l’intérieur
C’est le dehors qui saisit le dedans
provoque focalise 
impulse amour ou révolte
souvent les deux ensemble
comme l’air entrant dans les poumons du nouveau-né invente la respiration et brûle
Le cri ouvre au monde
Je dois continuer
Chaque cri élargit
Etre au monde c’est cela
Ouvrir scruter vibrer
Le monde par un curieux retour de bâton cherche à faire taire
en mettre plein la bouche
gaver
rendre dodu
Le monde nous colle une tétine
Il nous faut cracher 
comme crier
comme créer
Nos éCRIts sont mal foutus
tant mieux
bruts dérangeants
parfait
troués bizarres
très bien
questionnants énigmatiques
allons-y
J’aime intervenir dans le monde scolaire
donner aux élèves l’espace du cri
vie confidence silence
J’y suis poli souriant avenant
Ce que nous avons à transmettre est autrement subversif

Bruno Allain

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Édito du mois de mai

Ce fut un grand honneur de participer au comité de lecture tout public des Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre en tant que lectrice pendant 5 ans et de le présider durant ces deux dernières années. Un grand honneur qui allait bien sûr avec une grande responsabilité vis-à-vis des auteurs et autrices qui nous avaient confié leurs textes.
La lecture d’une pièce de théâtre est par nature très subjective. Aucun comité ne peut garantir qu’il va repérer tous les textes « remarquables », certains passeront toujours entre les mailles du filet…
Avec seulement deux lecteur.ices à chaque étape, un texte peut avoir la malchance de tomber sur deux personnes qui ne l’apprécieront pas, alors que la majorité l’aurait trouvé intéressant. Nous n’avons pas trouvé mieux, néanmoins, pour l’instant, que ce système en entonnoir.
La grande question qui se pose chaque année au moment de l’appel à textes (et à laquelle chaque président.e apporte la réponse qu’il souhaite) est de savoir si on limite ou non le nombre de textes acceptés. Pour ma part, j’étais contre : il n’y a déjà qu’une seule journée par an pour soumettre un texte et il faudrait en plus que les auteur.rices envoient leur message à 12h pile, sachant qu’à 12h14 environ le quota de 100 textes serait déjà atteint…
La contrepartie de cette décision a été cette année de devoir prendre en charge 344 textes, et ce malgré un budget en baisse. Et pourtant, je ne le regrette pas. On a toujours peur de passer à côté d’un chef-d’oeuvre, mais c’est pour moi encore plus vrai quand c’est seulement la capacité de l’auteur.ice à envoyer son texte dans un laps de temps réduit qui est décisive.
Je remercie de tout cœur l’équipe des lecteur.ices pour le temps qu’elle a consacré à ces nombreux textes, ainsi que pour son dévouement, son sérieux, sa bonne humeur et pour la qualité de nos échanges.
Et je souhaite longue vie à nos comités de lecture (tout public et jeunesse) !


Ève-Marie Bouché
Présidente du comité de lecture tout public des E.A.T

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Édito du mois d’avril

Que veut dire croire au théâtre aujourd’hui ? Que veut dire écrire pour le théâtre aujourd’hui ?
Que veut dire enseigner l’écriture dramatique aujourd’hui ?
Autant de questions que je pose chaque année depuis deux ans, lors de la journée consacrée à l’université de Toulouse au prix Prémices, prix d’écriture dramatique que j’ai fondé aux éditions Domens en 2021 à l’attention des étudiantes et étudiants du monde entier qui écrivent du théâtre en langue française. Même si les textes dramatiques actuels ne sont pas assez présents sur les scènes, même si on préfère aux auteurs vivants les auteurs morts, ce dont je suis convaincue, c’est que le texte de théâtre n’a pas atteint sa date de péremption. Il existe un vaste matrimoine ou patrimoine de pièces dans lesquelles toute compagnie peut puiser. Et il n’y a pas d’un côté la scène (qui exclut le texte) et de l’autre côté le texte (qui relève de la littérature). Non, car le texte de théâtre a quelque chose de plus que le roman, il est porteur de puissance : comme le poème, il déconstruit, il subvertit, et surtout il est entièrement tendu vers l’autre, il n’existe que par sa capacité d’adresse. Par son rapport à la parole, à l’espace, au silence, il nous plonge en plein mystère, en plein questionnement. C’est pourquoi, quand j’enseigne l’écriture théâtrale en atelier, il s’agit d’abord de déconstruire les représentations que nous avons du théâtre, comme lieu de mimesis de la réalité, ou comme mythe spontanéiste de l’expressivité (on écrit comme on parle, c’est facile et c’est du théâtre). C’est pourquoi les notions négatives, qui depuis longtemps servent à qualifier l’art théâtral, nous sont d’un grand secours. Sans elles, il n’y aurait pas de théâtre, comme l’ont souligné les théoriciens de la voie négative, tels l’artiste et pédagogue Jerzy Grotowski dans les années 70, ou aujourd’hui Valère Novarina, avec lequel, souvent, je travaille. Quand on écrit du théâtre, on commence d’abord à écrire contre le théâtre. Ensuite, on écrit contre le roman. la question n’étant pas « qu’est-ce que je vais raconter ? » mais : « qu’est-ce que je vais taire ? ». À toutes les étapes du travail, produire un texte c’est être capable de s’inscrire dans la ligne de partage du dit et du non dit, du dicible et du non dicible. Sans cette tension entre le dit et le silence, entre moi et l’autre, il n’y a pas de théâtre. La parole surgit dans un espace qui n’est pas innocent : l’espace éphémère d’une communauté, qui se trouve au même endroit le temps d’une représentation. De cette fonction sociale du théâtre, on ne peut jamais faire abstraction, car l’être-là, l’être-ensemble fugitif de la représentation, on ne le trouve ni au cinéma, ni dans son canapé face à Netflix.
Dans un de mes essais, où toujours j’explore les liens entre philosophie et théâtre, entre discours mystique et théâtre, j’ai inventé l’idée d’une « parole trouée ». Ce n’est pas seulement le texte de théâtre, mais notre parole, qui est trouée : au théâtre on fait l’expérience de l’altérité dans la langue, dans sa propre langue ressentie comme étrangère. Mais on fait aussi l’expérience de l’altérité à soi-même en proférant la parole théâtrale. Une expérience unique, que peu de monde a la chance de connaître, c’est comme une expérience de passage, une expérience d’initiation. Au plateau, on traverse un espace qu’on ne peut traverser nulle part ailleurs.


Lydie Parisse

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