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Édito du mois de novembre 2024

Faites entrer l’infini 1  !

Il n’y a peut-être pas de lien entre les 100 ans du surréalisme célébrés au Centre Georges Pompidou 2 et le thème du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse ou alors un hasard objectif tel que le vivaient les surréalistes, c’est-à-dire des instants où la nécessité extérieure se fraye un chemin dans l’inconscient.

Rêve général, tel est le titre magnifique de ce salon, qui ne se propose pas sous le régime de l’idéalisme naïf ou de l’aveuglement d’élargir le rêve, mais plutôt comme dans Le Manifeste du surréalisme de André Breton paru en 1924, de lancer une injonction à lire, à écrire, à vivre ses rêves dans la réalité et même à ne pas séparer le rêve de la réalité, mais à conquérir une surréalité.

Si le théâtre surréaliste a laissé quelques grands souvenirs, il n’a pas renversé comme le souhaitait Guillaume Apollinaire dans Les Mamelles de Tirésias en 1917, toute la vieille dramaturgie, même s’il a proposé des récits enchâssés, des cadavres exquis et des textes dialogués produits lors de séances d’écriture automatique ou de sommeils. Pensons à Raymond Roussel, Georges Ribemont-Dessaignes, Robert Desnos, Philippe Soupault et André Breton lui-même, Leonora Carrington. Il a fallu attendre Bob Wilson et son spectacle Le Regard du sourd en 1971, pour que les surréalistes affirment que cette œuvre était dans la généalogie de ce qu’ils avaient vainement cherché, un théâtre des songes et d’images oniriques 3.

Cependant, comme l’écrit Marie Bernanoce, le théâtre jeunesse contemporain est peut-être le lieu où s’expriment au travers de la dictée de l’inconscient, le collage des images, les créatures hybrides, l’audace des formes animées et inanimées, ce point de l’esprit où le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Quant aux dramaturges jeunesse, certains empruntent au merveilleux dont André Breton disait qu’il n’y a que lui qui soit beau et en inventent de nouveaux jusqu’au merveilleux quantique. Exploration des possibles, de terres imaginaires, d’audaces stellaires, de mers connues et inconnues aux onomastiques troublantes, chevauchées sur des cavales noires dans les plis de la nuit, métamorphoses, univers plissés, quêtes du oui et du non et de l’éblouissement vécu comme l’ensemble de nos relations à la lumière, irriguent le répertoire théâtral jeunesse. Les personnages de ce théâtre expriment l’ordre caché des choses, qu’ils voient mieux que nos yeux fatigués et repus.

Une fois pour toutes, cessons d’assassiner les constellations et croyons aux images du sommeil !

Dominique Paquet, Déléguée générale des Écrivaines et Écrivains associés du Théâtre

1 Aragon L., Une vague de rêves, 1924.
2 Exposition du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025.
3 Archives personnelles : Entretien avec José Pierre (1927-1999).

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