Les auteurices : une espèce en voie de disparition ?
En général, les espèces en péril exposées à une disparition ou à une extinction imminente le sont à cause de l’empoisonnement de leur environnement ou parce qu’elles sont jugées comme nuisibles. Est-ce cette dernière condition qui fait que les auteurices disparaissent de plus en plus des affiches (surtout dans le public) où tripatouiller de la littérature est devenue le fondement des spectacles ? Aller se confronter à un auteur comme Chéreau avec Koltès, Françon avec Bond et d’autres encore semble devenu aberrant. De quoi sont donc coupables ces auteurices pour qu’on juge que l’on peut se passer d’elles et d’eux ? On ne parlera ici pas de la qualité des textes (pour en juger il faut les monter), ni de leur non-visibilité (combien de followers faut-il avoir ? combien de prix ? de reconnaissances de comités de lecture ?). Et si jamais un texte est monté, est-il normal que l’auteurice s’aperçoive que les onze premières pages de son texte ont été rayées, les monologues réduits à une phrase (tout le monde sait que les monologues sont de la paresse d’auteurice, Jean-Luc Lagarce revient ! Ils sont devenus fous !), qu’après le travail sur table et le texte validé, on vous demande de le renvoyer en Word pour rentrer « les modifications »… Est-il légitime que les auteurices soient considéré.es comme quantité négligeable au moment de l’exploitation du spectacle ? Et puis, avec les économies budgétaires, si on pouvait se passer de leur 10% ? Ou alors mieux, leur en grappiller un peu, exiger un pourcentage pour un monologue tronçonné, un déplacement de réplique. Il paraît même que des gestionnaires commencent à demander leur part des droits d’auteurices… Et enfin est-il vraiment nécessaire de faire entrer des auteurices dans les écoles, collèges, lycées, au risque d’ouvrir le champ des possibles ? Les coupes budgétaires ne sont-elles pas là aussi pour éliminer l’inessentiel ?
Tout cela forme la première condition pour faire disparaître une espèce, l’appauvrir, empoisonner son lieu de travail, y faire naître la violence…
Alors les auteurices, en voie de disparition ?
Ce serait mal les connaître, elles, ils ont le plus grand des pouvoirs. Celui des mots. Il serait temps que nous nous en servions. Avant de passer à une forme de combat plus…
Jean-Benoît Patricot, auteur des E.A.T