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Communiqué E.A.T : Au bord de l’abime : second tour des élections législatives 2024

Autrices, Auteurs ,

Ce week-end, les urnes ont parlé. Et le message qu’elles ont délivré est d’une simplicité redoutable : seul le RN est encore en mesure d’accéder à la majorité absolue à l’assemblée au second tour. Ce n’est plus (ou pas encore) le moment de rechercher les causes et responsabilités de cette montée ininterrompue du nationalisme depuis 1983, date de son premier « succès » électoral à Dreux. 

Il n’est pas dans l’ADN des Ecrivaines et écrivains Associés du Théâtre de donner des consignes de vote, par égard et par respect de l’intime conviction du citoyen démocrate dans l’espace sacré de l’isoloir. La maison commune des auteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel, la SACD, n’en donne pas non plus mais a fort utilement exposé les programmes culturels de chacun des partis en lice.

Et si j’évoque la SACD, c’est que la défense et la mise en œuvre du Droit d’auteur qui constitue son socle fondateur est issu de la République, et que cette République -terriblement imparfaite, utopique, ballotée par l’Histoire, harcelée par des mauvais génies de l’intérieur et de l’extérieur- nous a beaucoup donné, à nous, autrices et auteurs.

Je pourrais me cantonner strictement aux secteurs d’activité de nos professions pour dénoncer le programme du RN : privatisation de l’audiovisuel public, suppression de l’intermittence, assèchement de l’aide de l’état aux artistes-auteurs et aux organisations qui les représentent, et le cortège des non-dits qui en découle :  limitation de la liberté de création et d’expression, muselage de la presse, disparition des échanges à l’international entrainant de facto un appauvrissement catastrophique de la culture et de la pensée, impossibilité de poursuivre nos missions, dont celles d’émanciper par l’éducation populaire, d’alerter sur les dérives contemporaines, sur les excès furieux du monde et sur les dérèglements humains qui conduisent à la ruine, à la misère, à la destruction et à la guerre. Alerter, construire, transmettre comme Aristophane, Molière, Duras, Brecht, comme tant d’autres avant nous.

Mais je suis et nous sommes des autrices et des auteurs de théâtre, au cœur de cet art qui lui-même est le cœur battant de la Cité. Nous sommes autrices et auteurs de théâtre et comme tels, l’humain est au  centre de nos préoccupations. Nous sommes autrices et auteurs de théâtre et aussi des actrices et des acteurs dans la marche du monde. Nous avons besoin de l’altérité, de la diversité, de l’ouverture au monde et à l’autre, non pas seulement comme sujets de nos œuvres mais comme les fluides vitaux qui irriguent notre corps tout entier.

Or, la haine, hideuse et suicidaire, gonfle et gonfle encore, s’infiltre dans toutes les strates de la société française, crée des communautés de façade, embrigade la raison, détruit peu à peu ce qui nous unissait ainsi que les valeurs transmises par Condorcet, Olympe de Gouges, Beaumarchais, Hugo et toutes celles et tous ceux qui nous ont précédés.

Le RN, qui porte le vocable de la haine jusque dans son acronyme prononcé à haute voix, est aux portes du pouvoir. Il ne faut pas gratter beaucoup pour que le vernis craque et qu’en-dessous on retrouve cette haine, vieille, rance, maintes et maintes fois recuite, de l’étranger : la haine de l’autre, accompagnée de ses acolytes le racisme, le sexisme, l’antisémitisme, la discrimination, pour faire la peau de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité.

C’est le RN qui veut nous tenir barricadés derrière nos frontières et derrière les murs de nos maisons, assignés à résidence par sa conception carcérale et ô combien restrictive d’une identité nationale fantasmée.

C’est le RN qui préempte tous les sujets porteurs d’avenir afin de les asservir à son projet nihiliste. Ce sont ces sujets sur lesquels nous devons trancher afin de donner une chance aux générations futures de poursuivre le travail accompli et de continuer à tenter de soigner les plaies de la France et du monde.

Mieux répartir les  richesses, assurer l’égalité des chances, lutter contre les discriminations, soutenir l’éducation, la recherche, la santé, la culture, la laïcité, maintenir la paix en France et l’assurer sur notre continent, assumer en responsabilité notre place en Europe et dans le monde, lutter contre le réchauffement climatique : la tâche est immense, les obstacles innombrables sur cette voie qu’il nous faut garder ouverte le 7 juillet.

Aussi, afin de parer à l’urgence, afin d’avoir encore la possibilité de penser le monde de demain, afin de continuer à construire notre communauté de destin, et pour « empêcher que le monde se défasse » comme le disait Camus, nous devons, nous, autrices et auteurs de théâtre, faire en sorte que pas une de nos voix ne manque pour faire barrage au Rassemblement National, afin de pouvoir continuer de porter et de défendre les valeurs républicaines partout où elles sont menacées.

Vincent Dheygre, président des E.A.T

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